Mardi 13 juillet 2021, Romane Glotain nous a rendu visite au Jardin Cécile Etoile dans le cadre de son tour de France à vélo des jardins thérapeutiques ! Cette jeune femme de 24 ans, membre de la fédération Française des jardins Nature et santé est la créatrice de l’association le jardin des Maux’ Passants qui s’occupe de l’aménagement et de l’animation de jardins de soin comme le nôtre.
Au cours de l’après-midi, nous avons pu échanger sur des thématiques liées aux patients ou à la maladie mais également à l’aménagement du jardin et ses futurs projets, au contexte dans lequel évoluent ces jardins de soin..
Cet article se veut être une synthèse des sujets abordés pendant l’évènement, sous forme d’interview. Nous vous invitons également à visionner cette vidéo où Romane nous parle de ce qu’elle retient de cette expérience.
Pas trop fatiguée par tous ces coups de pédale ?
« C’est la dernière étape aujourd’hui, la conclusion de 2 mois de voyage donc ça commence à tirer ; je suis un peu fatiguée mais c’est passé hyper vite, et en même temps, je me rappelle les premiers jardins que j’ai visités, en Vendée ça me paraît presque loin maintenant ! »
Tu es allée dans diverses configurations de jardin, quelles différences as-tu notées avec notre jardin ? Laquelle t’a particulièrement marquée ?
« Le thème principalement : j’ai vu beaucoup de configurations différentes axées autour de problématiques spécifiques mais Cécile Etoile et le jardin de la clinique de l’Anjou à Angers sont les seuls qui sont spécialisés autour de la thématique du cancer. Le jardin de la maison d’arrêt de Tulle m’a particulièrement marqué. Le contexte pénitentiaire est particulier et la vision différente du jardin par les détenus m’a particulièrement touchée. Ils ont eu des paroles hyper fortes en émotions à propos du jardin et ce qu’il leur procurait. »
Quel a été le déclic pour décider de faire le tour de France à vélo ?
« Avant le projet, j’ai reçu beaucoup de sollicitations de jardiniers médiateurs qui me demandaient d’intervenir dans la mise en lumière de ces jardins. Il faut aujourd’hui se battre pour propulser ces projets surtout lorsque l’on en connaît les bienfaits, c’est frustrant que cela ne décolle pas, mais ça va venir, ces initiatives vont se développer. »
Quel est l’objectif de cette action ?
« Le but est de trouver un moyen de reconnaissance, une base commune sur laquelle les jardins pourraient s’appuyer pour pouvoir œuvrer ensemble et aborder le jardin dans la Santé, pour les soignants aussi. L’objectif de ce tour de France, c’est surtout de créer une coordination entre les différents jardins de France, d’établir un réseau afin de guider les patients pour les orienter vers des interlocuteurs adaptés à leurs besoins. Aujourd’hui chacun fait un peu à sa sauce les ateliers, la conception.. L’idée c’est de créer un socle commun d’échanges pour aider les jardins à se lancer et à se développer. Peut-être lancer des formations auprès des professionnels de la santé, des acteurs du paysage. »
Pour Romane, l’objectif c’est également de sortir du théorique et de montrer une action concrète qui relie « physiquement » tous les jardins. Ainsi, au travers de son action, elle entend bien mettre en lumière l’existence de ces jardins ainsi que leur visée, mais également leurs problématiques :
« J’aime bien poser des visages sur les gens et voir quelle dynamique il y a derrière, comment ça a été conçu, pourquoi certains jardins se construisent en dehors des institutions, comment ils fonctionnent et est-ce qu’ils en vivent. »
Es-tu à la seule initiative de ce projet ?
« La fédération française des Jardin nature et santé, dont je fais partie a pour but est de fédérer autour des projets de jardins de santé et de venir en aide aux acteurs via des financements. C’est aussi de rassembler des professionnels et des passionnés en santé, social et paysage qui créent des tables rondes, des délégations locales. J’ai rejoint la fédération française jardin nature et santé en ce sens et j’ai lancé cette initiative.

Dans quel contexte évoluent aujourd’hui ces jardins ? Qu’est-ce qui peut freiner leur développement ?
« C’est compliqué d’amener le sujet du jardin vers le corps médical. Il s’agit de lui faire comprendre l’intérêt de cette initiative et, bien souvent les évaluations sont internes aux structures médicales mais pas internes aux jardins thérapeutiques. »
Lors de sa visite, la jeune femme nous indique que les choses sont en marche et que certains représentants du corps médical sont ouverts à ce type d’initiative voire même moteurs de leur réussite. Comme par exemple au CHU de Saint Étienne où ce sont les soignants eux-mêmes qui ont apporté le sujet des jardins de soin sur la table. Or, bien souvent des réticences peuvent freiner ces projets qui finissent par tomber à l’eau. Au jardin Cécile Etoile, nous avons la chance d’être soutenus par le Centre Eugène Marquis, et le CHU de Rennes.
Aujourd’hui, la formation professionnelle aussi se bouscule et des formations de jardiniers médiateurs commencent à voir le jour. Bien qu’encore très rares, ces formations sensibilisent aux problématiques de jardin thérapeutique et les participants, une fois formés pourront participer à propulser ces projets et à les réaliser. On citera par exemple la formation de Jardinier médiateur en Corrèze. Cependant, ces formations restent rares et méconnues et débouchent souvent sur des postes non reconnus par le ministère de la santé. Il y a là encore une bataille à mener pour les faire reconnaître.
Cependant, on constate ces dernières années le développement de ce type de jardins qui devrait s’accélérer, également lié au contexte sanitaire. En effet, le changement climatique et la récente crise sanitaire imposent un bouleversement dans les méthodes d’accompagnement des patients lié à une prise de conscience générale sur l’importance de la nature, d’avoir accès un jardin par tout un chacun, mais d’autant plus pour des patients.
« Mon but était de commander une action coup de poing sur l’environnement pour soulever des questions capitales liées à mon métier : quels moyens financiers et humains met-on en place aujourd’hui ? J’aimerais atteindre les politiques publiques pour lever des fonds et accéder à des moyens nécessaires au développement de ces jardins. Il y a des désirs de construction de jardin mais ils restent en attente, frileux : on a besoin de sens. Il faut fédérer autour de ces projets : il y a un réel besoin d’effort collectif pour faire valoir cette cause. Or, certains architectes paysagistes n’hésitent pas à profiter de la mise en avant de ces jardins pour en faire un business marketing : « des solutions » clé en main, sans personne pour entretenir le jardin une fois déployé, résultant en un échec qui ne répond en aucun cas aux besoins des patients. »
Pour Vincent Doulain, adhérent Cécile Etoile et partie prenante des actions mises en place au jardin :
« le jardin réunit la nature, le spirituel, la puissance de la création, les saisons, le rapport au temps, à la vie et à la mort, notre place dans la création quand nous ne sommes que de passage. La détresse existentielle des malades va dans ce sens : ils le ressentent et c’est un projet global et riche. »
Le but du jardin d’hiver est de créer non seulement un espace plus plaisant visuellement pour les passants et notamment les malades lors de l’hospitalisation, mais surtout de travailler sur l’apaisement, la réhabilitation durant la maladie et le relèvement du patient, de lui permettre de reprendre confiance en lui.

Mais alors pourquoi les jardins ?
Issue d’une formation bac en lycée agricole à Nantes, elle nous explique avoir eue la chance d’être sensibilisée au concept de jardin thérapeutique dès le lycée.
« Je passais quand même un peu pour une marginale en parlant d’environnement, ce n’était pas encore connu et développé. J’ai ensuite effectué un BTS puis un service civique où ma mission était d’aménager le jardin et de voir les retombées de la mission. Aujourd’hui après 5 ans, j’y suis retournée et le jardin a beaucoup évolué et j’en suis fière. »
Désirant pluraliser ses compétences, elle s’est ensuite dirigée vers une licence d’éducatrice spécialisée pour publics adaptés et elle a pu être enseignante dans un IME.
« Je souhaitais obtenir cette double formation pour être crédible et travailler dans ce domaine. Ensuite je suis rentrée dans la fédération Française jardin nature et santé et j’ai créée l’association Le jardin des maux passants majoritairement pour mettre en place le projet du tour de France des jardins. »
Elle a maintenant à cœur d’intervenir auprès des étudiants en Jardin (enseignement agricole, paysagiste) afin de les sensibiliser à l’importance des jardins de soin. Dans le futur, ils vont être amenés à créer ce type de jardin et il est pour elle primordial qu’ils prennent en compte la maladie et ses problématiques dans l’aménagement des jardins..
Sophie MILBEAU, éco jardinière et intervenante au jardin Cécile Etoile évoque d’ailleurs dans ce sens l’existence des « forest school » : des écoles autour de l’environnement dont le but est de sensibiliser les plus jeunes aux enjeux de la préservation de l’environnement.
Comment as-tu prévu d’utiliser tes ressources et contacts issus de l’expérience ? Et comment comptes-tu les mettre à dispositions d’autres acteurs ?
Après sa rencontre avec Romane, chaque jardin est invité à remplir un questionnaire détaillé que l’on lui redonne pour qu’elle obtienne des données à exploiter notamment lors de potentiels futurs colloques.
« Je documente aussi beaucoup mon expérience, je suis très active sur les réseaux sociaux : je publie des articles et des interviews des principaux acteurs des jardins que j’ai visités sur ma chaîne YouTube.

« A chaud » Ce projet est-il une réussite en termes de visibilité ? D’éveiller certaines consciences aux problématiques des jardins ?
« Dès le 10 mai, j’ai reçu un tas de message de soutien, des questions également. Mon but était de toucher le grand public sur le concept de jardin thérapeutique et ses enjeux, notamment au travers des professionnels presse, télévision et radio qui pouvaient m’aider à le mettre en lumière. J’ai d’ailleurs été contactée par certaines émissions ou magazines pour parler du projet. Finalement, des retombées sur le projet, il y en a déjà. J’attends de voir la suite. «
Souhaiterais-tu écrire un livre ?
« Je n’écrirais pas sans maison d’édition derrière, je ne veux pas écrire un livre pour mes copains copines, c’est un sujet sérieux mais je ne suis pas fermée à la question ».
Elle avoue avoir quelques idées : peut-être créer un plan avec tous les jardins où elle est passée, remonter les difficultés rencontrées, retravailler la définition et l’image des jardins « thérapeutiques ». Elle revient sur ce terme :
« tout le monde ne sait pas ce que c’est ; certains pensent que l’on y plante des arbres aromatiques. L’objectif, c’est aussi la préservation de la nature.. »
A la question de savoir si elle souhaitait remettre ça l’année prochaine, elle nous répond :
« C’est un gros projet et je ne le ferai pas tous les ans ! Je lançais ce projet sans savoir s’il y allait y avoir du monde, c’est très spécifique, et puis les financeurs sont arrivés dans les 6 mois et on a démarré l’aventure ! »
Ce voyage est pour Romane un grand travail de préparation et de sélection des jardins. « J’ai rencontré des personnes extraordinaires. Cela fait 10 ans que je travaille dans les jardins thérapeutiques et je continue d’apprendre des choses. »
Après ce tour de France, elle aimerait continuer à mettre en lumière d’autres projets de jardin de soin.
En conclusion ;
Romane aura visité 45 jardins environ en 2 mois (elle en avait prévu 40).
Nous sommes le dernier jardin que Romane visitait et ce fut un honneur ainsi qu’une grande joie pour nous de l’accueillir ! Une expérience riche pour laquelle nous lui sommes reconnaissants !
A bientôt, au jardin !