Introduction

Si souvent les patients ne peuvent s’en remettre qu’à eux-mêmes, tirant la conclusion du vide qui est celui de leur condition, tirant la leçon des faits, ils se mettent en quête d’un chemin individuel dessiné aux couleurs de leur inspiration, et à partir des sources personnelles de la force qui leur permettra de surmonter la maladie.

L’association des patients de la médecine anthroposophique tisse un tissu crédible dont l’écho traverse les rivages de l’Europe. Ce sont des institutions de recherches établies aux USA, des compétences en Allemagne exprimées entre autres par Gerd Naqel, hématologue et Oncologue (ex Président de la Société de Cancérologie Allemande, directeur de longue date de la clinique de biologie tumorale de Freiburg im Breisgau). Sa compétence reconnue tient aux expériences qu’il a vécu en tant que patient quand la maladie l’a frappé et ses réussites de chercheur.

On retrouve  le même trait ailleurs sous l’autorité de la Ligue contre le Cancer, des initiatives associatives dont l’intensité est la marque de nos Sociétés quand elles savent se départir de l’appel du gain, et  des personnes ressources qui sont nos points de repère en Allemagne, aux  Pays Bas avec Thierry Janssens qui sait puiser aux richesses des médecines Chinoise, Indiennes, étatsuniennes, Marocaines à Marrakech où le Jardin du secret accueille dans des couleurs reposantes ceux qui recherchent le silence et la méditation.

Tournons notre regard vers Jean-Pierre ASSAL créateur à Genève de la Fondation pour la formation des soignants et des patients ; il n’existe aucun doute capable de nous empêcher de proclamer que la Médecine moderne, celle de notre Siècle s’ouvre aux patients, pour faire jaillir de nouvelles sources de guérison. Jean Pierre Assal, de son côté, soutient les richesses qui marquent le territoire de l’émotion du patient toutes preuves de sa compétence ce qui pousse Jean Pierre Assal à prendre l’engagement de les défendre. Tout indique que se transforment très fortement certains codes. Des études conduites en Europe et aux Etats unis démontrent que La Médecine n’apparait qu’en quatrième position pour expliquer l’allongement de la durée de la vie des citoyens de nos PAYS en donnant la parole au patient. Or, avant, on notera les progrès marquant, l’Hygiène, l’activité physique, la nutrition, la culture et la formation comme atouts d’un parcours de soins abouti. Ce sont les premiers signaux qui qualifient le rôle du patient dans l’animation du parcours de soins et sa modernité.

2) Parlons ensemble du diagnostic du cancer et de la peur qu’il suscite

Le diagnostic du cancer installe chez tout être humain un sentiment de peur. Si nous nous orientons vers le rôle central consenti au patient dans la maitrise du parcours de soins, ce qui emporte une maitrise de la peur, peut-être convient-il de rassurer en restant dans les registres de la normalité et en précisant que dans certaines situations il peut être naturel d’avoir peur.

La peur refoule les forces de défense du corps et de l’âme : comment aider le patient à maitriser sa peur ? pour cela de quel environnement a-t-il besoin ? Car la lutte contre la peur ne peut être un combat solitaire. Dans ce cadre-là plusieurs règles s’imposent : accepter la peur doit découvrir l’objet de la peur. La recherche a démontré l’efficience des traitements alternatifs, et des soins non médicamenteux, mais méfions-nous au premier chef, méfions-nous aussi des ravages, que charrient ces temps de COVID19 qui produisent l’isolement perpétuel sur la santé mentale collective. A cet égard, Johann Hari offre aux éditions « ACTES SUD » un livre percutant qui, à sa parution, fit avancer la cause du patient : « chaque dépression a un sens, et causes méconnues et soins novateurs ».

Sont sensibles plusieurs peurs : peur de mourir ; de devoir se trainer longtemps en souffrant le martyr ; peur de l’inconnu, de la thérapie ; la peur du schéma de la grande machinerie médicale

Dans ces conditions, il faut travailler et agir afin de donner une identité à sa peur : la voie de l’écriture peut être profitable et certains patients peuvent tenir un journal dès le premier jour de leur entrée en soins mais aussi peut-être le cours de leur histoire dès ses premières pulsations pour la comprendre. Dans ce travail de maitrise il convient de porter attention à ses rêves ; une sortie positive c’est aussi d’être utile et d’utiliser le temps de manière sensée qui donne au patient la dimension de son plein accomplissement ; alors la vie sociale comptera doublement.

Dans sa relation avec la pathologie, l’attention portée par le patient à son corps sera un élément déterminant comme elle est fondatrice des chances de sa durée de vie. Ici la maitrise de la peur est d’abord affaire de ressources personnelles, et/ou de la richesse de la vie sociale du patient comme en trace le chemin (Johann Hari visa de la note ci-dessus)

Nous avons écrit que le rôle du patient dans le parcours de soins pouvait être lu au travers de la médecine Anthroposophique qui est issue de la collaboration entre le professeur Steiner et la doctoresse Weygman. C’est une approche médicale holistique comportant une grande part de spiritualité provenant des mots grecs anthropos qui signifie « humain » et « sophia » qui désigne la sagesse. Cette approche est une vision humaniste qui intègre les approches matérielles et spirituelles de l’être humain ; pratique et appliquée l’anthroposophie propose des outils concrets et applicables à toutes sortes de domaines et tous intimement liés à l’éducation des enfants, l’agriculture, la biodynamie, l’architecture, l’alimentation les sciences sociales, l’arthérapie, la musicothérapie …

Le soin dans sa subjectivité prend en considération l’humanisme de l’Homme (le soin est un humanisme, Cynthia Fleury, page 06). Ainsi, le travail à réaliser ne se résume pas à une tâche gestionnaire, c’est mieux porter l’existence de tous comme un enjeu propre ; car « l’importance du dialogue des différences institué par la résonance ouvre sur une dimension fondatrice » (Résistance Résonnance, Hart Mut Rosa, page 73).

3) Des moyens mis en mouvement par la médecine Anthroposophique : leur application

Suivant les codes de la médecine anthroposophique, le patient devient membre de l’équipe de spécialistes et avance en accord avec eux. Il n’ y a pas de patients incompétents, chaque humain a toujours sa compétence de patient, à chaque moment, à chaque phase de sa vie. Cette attitude apporte  soutien aux forces de guérison du patient ; nous ne vivons véritablement pourvu que nous nous engagions pour d’autres êtres humains.

On parle de la thérapie par le gui : les extraits de gui sont utilisés contre le cancer depuis 80 ans. On a encore encore le médicament iscador, médicament le plus prescrit aujourd’hui. Le gui est la plante qui a le plus fait l’objet de recherches : il peut augmenter l’activité des cellules tumorales. Parlons maintenant de la médecine traditionnelle chinoise. La thérapie chinoise par les plantes est en soi une science. L’ayurveda est un art de guérir vieux de 4000 ans. Le mot provient de la langue indienne. De nos jours les patients ne veulent plus uniquement se reposer sur l’efficience de la médecine, mais engager leurs propres forces et les faire intervenir dans le processus de guérison que les médecins encouragent et accompagnent sur le chemin.

Plus la relation entre le patient et le médecin est pleine de confiance, et plus il sera facile au patient de trouver le chemin qui lui soit propre.

La conception de la compétence du patient ayant recours aux médecines complémentaires implique des décisions personnelles. Pour préciser la compétence du patient, c’est le rapport du patient avec lui-même avec la question qui la soutient : « quel rôle puis-je jouer dans ma relation avec la maladie ? Quelle va être ma contribution pour la surmonter ? »

Environ la moitié des représentants de la cancérologie et de la recherche conventionnelle croient à la pertinence du pronostic issu de la compétence du patient. A ce titre ils accordent foi à un discours fort : « prends la décision d’être des 40 % qui survivent ; ma force est de traverser quelque chose sans me faire constamment du souci. C’est moi qui décide de faire confiance aux possibilités de la médecine moderne et aux forces du patient, mais me guérir c’est quelque chose en moi qui doit le faire ; je veux foncer et me battre ».

La beauté des témoignages des femmes qui se dressent face au sort et vivent une réponse à la pathologie : « je rassemblais les rêves que je voulais vivre à présent, d’abord l’indépendance, le second rêve partir en voyage, traverser le Tchad en land-rover, cette année je fais l’ascension du Kilimandjaro » …

4) De la justesse des rapports entre la médecine anthroposophique et le travail que prévoit d’accomplir le patient, il a besoin d’un médecin qui lui convienne, qui pense un soin individualisé en qui il puisse avoir confiance :

A quelles conditions ?

Les chemins de la guérison à la main du patient qui vivent les défis lancés par la pathologie, ce sont des lieux dans lesquels des équipes de soignants, les patients, prennent de la distance avec un vécu de drame qui doit être écouté car c’est un processus effectif. Ces lieux appartiennent à tous les pays occidentaux, territoires de brassages culturels, mais aussi de mise en commun de cultures médicales que l’histoire a donné à vivre sur les cinq continents.

L’un de ces lieux, remarquable à de nombreux égards, est la Fondation pour la formation des patients et des soignants. Créée dans la région genevoise par une équipe de cinq médecins autour de Jean-Pierre Assal, cette fondation est suivie par des médecins d’Amérique Latine et d’Afrique. Elle tient aussi colloque régulièrement, organise des ateliers en théâtre, peinture, sculpture dans lesquels, par construction, la création tient le premier rôle.

La fondation poursuit ses objectifs en développant plusieurs actions programmées sur le terrain dans différentes structures d’accompagnement avec trois mots d’ordre : créer pour dépasser ses limites ; valoriser ses expériences personnelles ; et transmettre la force du changement. Elle développe des programmes basés sur l’expression de soi au travers de démarches créatives permettant l’émergence d’un vécu difficile. Les séminaires prennent forme autour de la communication médicale, l’éducation des patients et des soignants, l’accompagnement de personnes souffrantes, avec comme liens de fond les relations entre l’art et l’activité physique adaptée, la rencontre entre l’art et la science.

Ce qui est visé dans ces ateliers c’est l’expression de soi au travers de démarches créatives qui permettent l’émergence d’un vécu difficile : créer ou dépasser ses limites ; valoriser ses expériences personnelles ; transmettre la force du changement ; théâtre du vécu ; et atelier peinture et sculpture, tournés vers le franchissement du fossé qui semble éloigner le but improbable de la guérison, de l’attente du patient et de son entourage.

L’expérience du théâtre du vécu : qu’il s’agisse du jeu ou de l’écriture qui réserve une place centrale à l’émotion ou à la sensibilité. Jean-Pierre ASSAL situe dans l’émotion la capacité créatrice du théâtre du vécu dont il en souligne sa mission : en protéger l’identité, donc l’indépendance. La mémoire de l’écrit, cultivée en Bretagne, est riche dans l’authenticité de ses traits,  les souvenirs de tranchées de l’Oncle du Maire Adjoint de Rennes Jean Normand ; les mémoires aussi d’un paysan « bas Breton » de Daniel Cario la complainte de la grive, l’envol d’un enfant né dans une cave, mais pétri de talent, voici le maitre et l’enfant prodige allant de pardons et de foires là ou les conduisent la voix d’exception de l’enfant

5) Selon John Dewey le théâtre conduit à des expériences.

Dans la construction de cet évènement théâtral, la voix du spectateur est un passage obligé car elle est en soi un monde accompli. C’est pourquoi aborder, expérimenter le processus de construction du discours du spectateur sur l’expérience de l’évènement théâtral est de l’ordre de l’évidence. La voix du spectateur sur l’expérience de théâtre, et la voix du spectateur souvent muet au théâtre, acquiert le statut de matériau de recherches à partir de la construction de la mémoire du travail.

Nous pensons qu’il convient de considérer que l’expérience du théâtre commence avant que le spectacle soit ouvert et qu’il se poursuit largement au-delà.

L’élaboration du discours par le spectateur n’est pas une simple traduction de sa mémoire, d’une expérience, mais une création subjective du spectateur. Quand il raconte sa version de l’expérience théâtrale, il est en train de l’actualiser dans sa mémoire, dans son histoire propre si l’on en reste au principe des choses.

L’art n’est pas un moyen de raconter une expérience : il est lui-même expérience ; l’expérience humaine d’être de ce monde.

Un des traits les plus notables de ces expériences de spectateurs, est la liaison avec leurs expériences de vie. Non pas une liaison statique mais une mémoire en mouvement, en construction ; une mémoire travaille avant même de voir un spectacle. Le spectateur a déjà un parcours de vie : il n’existe pas de perception qui ne soit pas imprégnée de souvenirs. La perception n’est pas une simple interaction, mais une interaction avec un contenu individuel et collectif.

Sans vouloir redonner écho aux thèses de Jean-Pierre Assal, qui n’en a pas besoin, on ne peut pas passer à coté de la place réservée à l’histoire et à l’émotion par les très grands metteurs en scène, tels Ariane Mnouchkine, Patrice Chéreau voire Véronique Olmi. Le paysage d’émotions qu’ils font vivre à leurs spectateurs transcendent ceux qui doutent pour les persuader de la magie de cet art qui aide au dépassement des frontières quand l’audace ne semble pas encore de mise : mais Cécile Etoile s’y investira pour occuper toute la place qu’attendent ceux qui ont souffert.